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  • "Les oeuvres achevées ont pour les grands hommes moins de poids que ces fragments sur lesquels leur travail dure toute la vie. Car seul un homme plus faible, plus distrait, peut prendre un plaisir incomparable à conclure et ainsi se sentir à nouveau rendu à sa vie. Pour le génie toute espèce de césure, les coups du destin comme la douceur du sommeil, tombe dans le labeur assidu de son atelier même. Et c'est l'emprise magique de celui-ci qu'il définit dans le fragment. "Le génie est un labeur assidu"." ( Horloge, dans Sens Unique)

     


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  • Mercredi 26 septembre 2012 : 72ème anniversaire de la mort de Walter Benjamin à Port-Bou, Espagne, le jeudi 26 septembre 1940. Cette mort clôt une errance commencée 15 ans plus tôt qui le mena de Berlin à la France, en passant par l'URSS, le Danemark ou Ibiza. D'hôtels en cafés, il traina son regard de myope, son air d'enfant "à qui on aurait collé des moustaches" (Georges Bataille) et sa serviette en cuir pleine de feuillets recouverts d'une écriture minuscule.

    Dans les années 30 à Paris, il hante la Bibliothèque nationale de la rue Vivienne où il travaille sur son Livre des passages, collectionnant les citations comme le chiffonnier les rebuts. C'est à cette époque que Jean-François Vilar le décrit, dans la nouvelle La tâche de vin :

    "Walter entra à ce moment-là. Il était fidèle à son aspect habituel, jusqu'à la caricature : mine empruntée, lunettes cerclées de fer, chevelure en broussaille et moustache mal taillée. Sa manière de se tenir raide accentuait son embonpoint. Avec son petit cartable et son costume lustré il avait l'air respectable de l'intellectuel miteux. Logeant à l'hôtel voisin, il était également un habitué du Rendez-vous. (...)
    Il s'installa au fond de la salle, là où allaient d'habitude les amoureux, sortit un livre de son cartable et se plongea dans sa lecture, crayon en main.
    - Qui est-ce ?
    - Un professeur de Francfort. Marxiste et juif. Il a été forcé de fuir. D'Allemagne d'abord, d'URSS ensuite. (...)
    Serge allait lui parler des recherches que menait Walter sur Baudelaire, sur le XIXe siècle parisien, quand Hannah fit son entrée."

    En 40 il quitte Paris son errance se transforme en fuite et c'est dans un état de fragilité extrême qu'il traverse la frontière entre la France et l'Espagne en compagnie d'une passeuse, Lisa Fittko. "Le paysage est en cet endroit d'une extrême beauté. De toutes parts on aperçoit des criques de schiste, les roches noires contrastant avec le bleu sombre immobile de la mer, la végétation rabougrie des collines, les vignobles. Au-delà, à la fois égaré et à l'abri des montagnes s'étend le village de Port-Bou en Espagne. Il ne restait plus qu'à l'atteindre, Benjamin etait si faible qu'il s'agenouilla pour boire l'eau croupie d'une mare" (Jean-Michel Palmier).

    Arrivé à Port-Bou, il apprend qu'un changement de législation ne lui permet pas d'aller plus loin. Il se suicide alors à l'hôtel La Fonda de Francia, avalant la tablette de morphine qu'il avait en sa possession et qu'il avait montrée à Arthur Koestler quelques jours plus tôt à Marseille.

    Ultime frontière

    (Hôtel La Fonda de Francia, Port-Bou - photogramme extrait du film Qui a tué Walter Benjamin ? de David Mauas)

    Cette mort n'a cessé d'agiter les esprits, les Qui a tué Walter Benjamin ? de rigueur. Comment ce passage de frontière, au lieu d'ouvrir vers l'horizon se referme-t-il sur le dernier geste ? Il ne s'agit sans doute pas seulement d'une histoire de "malchance" comme l'avançait Hannah Arendt mais de l'exténuation physique et mentale d'un homme qui accordait au contenu de sa serviette plus d'importance qu'à sa propre vie. Peu importe alors que la serviette ne contint semble-t-il que des copies de textes et non pas les originaux en lieu sûr (chez Bataille ou Missac...). Elle continuait à être l'objet-fêtiche de toutes ses attentions. Elle a disparu, ainsi que son contenu, tout comme le corps de Walter B.

    Ne reste que la mer immobile. Et la beauté de son oeuvre inachevée.

     


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  • Un article d'Alain Brossat, réflexions sur l'exil, la frontière, à travers la mort de Walter Benjamin. Réflexions proches de la pensée de Giorgio Agamben qui, par ailleurs, avait redécouvert le fond Benjamin qu'avait legué Bataille à la BN.

    Et un extrait d'un film de David Mauas, sorte d'enquète sur les traces et souvenirs laissés par la mort de WB dans le village de Port-Bou :

     

     


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