• Air de Paris

    L'objet est un ready-made de Duchamp. Une ampoule de sérum physiologique en verre, vidée de son contenu liquide. Une petite forme cristalline et tarabiscotée emplie d'air.

    Lectures au passage

    Air de Paris date de 1919 et JFV l'évoque à peine dans ses romans (dans C'est toujours les autres..., Victor se retrouve lors de la "prise d'otages" du Centre Pompidou devant la Boîte en valise datant de 1936 : "J'ai déjà vu la Boîte, mais je n'ai jamais eu, évidemment, la possibilité de la toucher, de la manipuler. Alors, je me surprends à faire jouer les glissières, à ouvrir les dépliants, à soulever les planches. Je prends dans ma main la petite ampoule de verre contenant de l"'Air de Paris" ").

    J'ai bien envie cependant d'accrocher l'objet transparent quelque part dans ce passage, comme une enseigne d'antan indiquant un magasin de curiosités : Ici Air de Paris, rêves en tout genre et de toutes tailles, croisements de trajectoires, bouleversements intimes et infra-minces...

    L'air enfermé dans l'ampoule n'est pas n'importe lequel, de Paris certes mais plus précisémement de la rue Blomet, là où vécut Desnos, là où naquit Victor. C'est en effet non loin de l'appartement de Gabrielle Buffet-Picabia, 32 avenue Charles Floquet (Paris 7e) où de passage à Paris il séjourne en 1919, que Duchamp demande au pharmacien de la rue Blomet d'ouvrir une ampoule, de la vider et de la refermer, emprisonnant l'air ambiant... Il offre ce nouveau ready-made à son ami mécène new-yorkais Walter Arensberg : "J'ai pensé à un cadeau pour Arensberg qui possédait déjà tout ce que l'argent pouvait acheter. Je lui ai donc offert une ampoule d'air de paris". Plus tard en 1949, alors que l'ampoule a été brisée, Duchamp envoie une lettre à son ami Henri-Pierre Roché (celui-là même qui l'avait surnommé Victor) et lui demande : "Pourrais-tu aller dans la pharmacie qui est au coin de la rue Blomet et de la rue de Vaugirard (si elle existe encore, c'est là que j'avais acheté la première ampoule) et acheter une ampoule comme celle-ci : 125 cc et de la même dimension que le dessin ; demande au pharmacien de la vider de son contenu et de ressouder le verre à la lampe".

    Lectures au passage

    (lettre du 9 mai 1949)

    Rue Blomet, 1949, Desnos est mort depuis 4 ans, en revanche Victor (pas Duchamp, Blainville...) y passe son enfance. Peut-être a-t-il croisé Roché à la pharmacie du coin et a-t-il respiré le même air que celui enfermé dans l'ampoule ?

    De toute façon, l'ampoule semble s'être à nouveau brisée. Celle que j'ai vue flottant au milieu d'une salle du Centre Pompidou datait de 1962. Je ne sais pas si l'air venait toujours de la rue Blomet, dans le catalogue d'exposition, on parlait du Havre... et d'une série d'ampoules emplies d'air du large...

    A moins qu'à suivre deux rues parisiennes parallèles (rue Blomet et rue de Vaugirard) pour trouver où elles se croisent, on ne finisse par arriver quelque part près de la mer...

     


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