• Les mystères de la poésie

    En 1926, Robert Desnos écrit le poème "A la mystérieuse", dédié à Yvonne George, et publié dans Corps et biens :

    A la mystérieuse

    J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
    Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
    Et de baiser sur cette bouche la naissance
    De la voix qui m'est chère ?

    J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
    En étreignant ton ombre
    A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
    Au contour de ton corps, peut-être.
    Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
    Et me gouverne depuis des jours et des années,
    Je deviendrais une ombre sans doute.
    O balances sentimentales.

    J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
    Sans doute que je m'éveille.
    Je dors debout, le corps exposé
    A toutes les apparences de la vie
    Et de l'amour et toi, la seule
    qui compte aujourd'hui pour moi,
    Je pourrais moins toucher ton front
    Et tes lèvres que les premières lèvres
    et le premier front venu.

    J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
    Couché avec ton fantôme
    Qu'il ne me reste plus peut-être,
    Et pourtant, qu'à être fantôme
    Parmi les fantômes et plus ombre
    Cent fois que l'ombre qui se promène
    Et se promènera allègrement
    Sur le cadran solaire de ta vie.

     

    En 1945, la dernière strophe est traduite en tchèque puis retraduite en français :

    J'ai rêvé tellement fort de toi
    J'ai tellement marché, tellement parlé,
    Tellement aimé ton ombre,
    Qu'il ne me reste plus rien de toi,
    Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres,
    D'être cent fois plus ombre que l'ombre,
    D'être l'ombre qui viendra et reviendra
    Dans ta vie ensoleillée.

     


    Tags Tags : ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :