• Mercredi 8 juin 2011 : la liberté, l'amour, la mort

    66ème anniversaire de la mort, le vendredi 8 juin 1945, de Robert Desnos au camp de concentration de Terezin (Theresienstadt), à 60 km au nord de Prague.

    Terezin était un camp à part dans l'histoire concentrationnaire ; plutôt qu'un camp, un ghetto constitué au printemps 1942 pour accueillir les vieillards, quelques anciens médaillés de guerre et une poignée de personnalités juives dont des musiciens. Ce camp servait aux SS de "camp modèle". Il fut un de ceux qui furent libérés le plus tardivement, le 8 mai 1945 par l'Armée Rouge.

    Desnos échoue à Terezin suite à un long périple. Prisonnier politique non juif, arrêté à Paris à la fin de la guerre, le 22 février 1944, il est déporté de camp en camp au fil de la débacle allemande : Auschwitz, Büchenwald, Flossenburg puis Flöha. Les prisonniers sont évacués de Floha le 14 avril 45 et entament alors une longue marche de 23 jours à travers la forêt. C'est épuisé que Desnos arrive à Terezin quasiment en même temps que l'Armée Rouge. Il y attrape le typhus qui fait rage dans le ghetto, décimant les milliers de juifs qui y restaient (des convois entiers avaient quitté les mois précédents Térezin pour Auschwitz).

    Desnos se retouve mourant à l'infirmerie où il est reconnu le 4 juin par un jeune infirmier tchèque, Josef Stuna, féru de poésie surréaliste, qui se souvient avoir vu ce visage dans Nadja de Breton :

    Lectures au passage

    Aidé de l'infirmière Alena Tesarova, Stuna veille sur les derniers jours du poète qui meurt le 8 juin 1945.

    Commence alors la légende du "dernier poème" de Desnos ! Un journal tchèque annonce sa mort et accompagne cette nouvelle de la traduction approximative de la dernière strophe d'un poème des années 20. Cette traduction parait retraduite en français et la légende nait en France d'un dernier poème d'adieu griffonné par Desnos sur un morceau de papier. Il s'agit en réalité d'une strophe du poéme A la mystérieuse écrit pour Yvonne George en 1926. Mais la légende est belle qui, après sa mort, ramène Desnos au grand amour de sa vie, la femme à laquelle il ne cessait de penser lorsqu'il habitait rue Blomet dans le 15ème.

    On n'échappe pas à certains destins ni aux généalogies imaginaires : c'est dans cette même rue Blomet que Victor a passé son enfance comme il l'explique dans Paris d'octobre : "Je n'aime pas le XVe arrondissement. Il y a au moins une bonne raison à cela : j'y suis né. Je suis né très précisément rue Blomet, à deux pas du Bal Nègre, célèbre lieu de perdition. Mais ce n'était déjà plus la bonne époque. Miro, Max Ernst, Masson et quelques autres avaient déménagé depuis longtemps. Quant à Desnos (...) qui habita au n° 45 (maison détruite), il est mort deux ans avant ma naissance, en déportation au camp de Terezin (Tchécoslovaquie)".

    Jean-François Vilar aussi est né dans le 15ème arrondissement deux ans après la mort de Desnos ; à l'époque y vivait une assez importante communauté russe. Plus tard, il a préféré la rive droite à son quartier d'enfance et puis pour un temps, Prague à Paris. En 1994 Pierre-André Sauvageot le filme à Terezin alors qu'il écrit un livre jamais publié, un roman dont le personnage principal aurait passé son enfance dans le ghetto et aurait survécu au typhus... Un livre sur l'amnésie et le souvenir.

    "Moi j'ai imaginé... si, en prenant le temps, et avec un peu d'obscurité - parce que c'était minuit dans le siècle -, on pouvait être ici à Térezin, donc de nuit - pas dans un délire hallucinatoire ou quoique ce soit -, mais le fait de la solitude, plus la nuit, peut-être qu'on pourait encore mieux, non pas cultiver la mémoire ou se faire son petit cinéma mental, mais simplement être encore un petit peu avec les gens qui sont passés par là, être encore un petit peu avec eux. Et prolonger un tout petit peu leur temps. Alors j'essaie de raconter un parcours, un moment de cette nature-là." (Jean-François Vilar, dans 95% de réel) 

     


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