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La passante du canal
"L'image de la femme et l'image de la mort s'unissent dans une troisième image qui est celle de Paris", écrit Walter Benjamin en parlant de Baudelaire dans Le Livre des passages.
En mai 1984, JFV place cette phrase en exergue de sa nouvelle Tandem, écrite pour le n°3 de la revue Tango : la structure du récit est une sorte de marelle (le récit commence le lendemain de la mort de Cortazar !), un jeu de l'oie parisien grandeur nature dans lequel Victor B résoud des énigmes pour retrouver une femme qui, comme souvent dans les textes de Vilar, meurt, assassinée.
Cette stucture du jeu de piste ainsi que les apparitions féminines, érotiques et tragiques hantent l'oeuvre de JFV. Les héroines, comme des images projetées par une lanterne magique, se succèdent, toutes différentes et semblables à la fois.
On pense alors à l'inquiétant - et magnifique - générique du Fantomas de Feuillade, où l'on voit les transformations et camouflages du meurtrier qui n'est pas sans nous faire penser à Sybille qui dans Tandem change de couleur de cheveux à chaque rencontre, s'amuse à revêtir différents aspects.
Mais il ne s'agit pas seulement d'un simple jeu avec les apparences. Vilar illustre sa nouvelle par des dessins d'après photos d'actrices ou héroine de BD (plus Jarry qui passe sur sa bicyclette !?) : Lauren Bacall, Greta Garbo, Marlène Dietrich, la Valentina de Crepax, Louise Brooks, Faye Dunaway, Charlotte Rampling... un peu comme si Feuillade ne filmait pas toujours le même visage mais une succession de portraits réels et imaginaires : Nadja, Louise Lame, Musidora, Irma Vep, la comtesse de Castiglione, Kiki de Montparnasse, la Môme Bijoux, etc.
Tous ces visages n'en faisant qu'un. Celui d'une femme vouée à la mort. Comme si l'on savait, en la croisant, qu'on allait retrouver la passante de Baudelaire assassinée près du canal saint Martin.
Tags : palais de la femme, cinémathèque, walter benjamin, passages, paris, julio cortazar, victor b, fantomas, bulles noires, canal st martin
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