• 85ème anniversaire de la "nuit de folie" de Leona Delcourt, dite "Nadja", le lundi 21 mars 1927, dans sa chambre d'hôtel de la rue Becquerel (Paris 18e).

    Dans Nous cheminons..., dans une scène située le 21 mars 1938, Alfred Katz entraîne André Breton rue Becquerel et il lui affirme avoir rencontré Nadja internée, alors qu'il était aide-soignant dans un asile psychiatrique du nord de la France. Dans une autre scène du bouquin, située elle en décembre 1989, Abigail Stern, qui prépare une pièce sur Nadja, loue une chambre dans l'hôtel de la rue Becquerel où, une nuit, elle expérimente à son tour ses limites.

    En mai 1993, JFV consacre un article dans Télérama à cette histoire. La rue Becquerel, derrière "l'immonde Sacré-Coeur. Une rue courte, en abîme, avec des escaliers en chute libre qui dramatisent le moindre éventuel faux-pas". Breton dont JFV dit que "c'est en spectateur que la folie l'intéresse". Nadja, "la femme miraculeuse, fatale, magicienne et prostituée, sorcière et illuminatrice et qui, par là, doit plus à l'imaginaire baudelairien qu'à celui des surréalistes".

    Rue Becquerel, l'hôtel est toujours là, le long des marches. Nous n'avons pas osé entrer ; de peur d'y croiser au détour d'un couloir un fantôme aux "yeux de fougères" ?

    Mercredi 21 mars 2012 : rue Becquerel

    (photo publiée dans Télérama n° 2260 du 5 mai 1993)


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  • Les panneaux Decaux nous polluent la vue. A l'instant où je pense à écrire ce post, je pédale derrière un bus (ligne 26) et ce qui me pourrit la perspective est l'affiche d'un film qui va sortir cette semaine sur Claude François.

    Quel rapport avec JFV, s'interrogent les lecteurs familiers de ce blog ? J'y viens, j'y viens...

    A l'époque où Rouge était un quotidien (1976-1979), JFV avait signé dans le n°599 du lundi 13 mars 1978 un article intitulé "Le dernier tube de Clo-Clo : un néon" (officiellement, il avait voulu refixer une applique défectueuse alors qu'il prenait son bain - je précise cela pour les moins de 35 ans à qui cet événement aurait pu échapper). JFV doutait qu'il s'agisse de la "mort d'une idole" : "Imagine-t-on demain les "Clodettes" lire en public et pour saluer sa mort un poème de Shelley, comme le fit Mike Jagger à Hyde Park au lendemain de la mort de Brian Jones ?" Il définissait C.François comme "un pur produit (...). Sacrément au point. Mais comme n'importe quelle machine : toujours à la merci d'un mauvais contact".

    Vous trouvez ça drôle ? Et bien, dans le n°607 du mercredi 22 mars, on trouve 2 courriers de lectrices que ça n'avait pas du tout fait rire. "Une lectrice sympatisante lycéenne" trouvait l'article "dégueulasse", parce que "Cloclo (...) c'était la vie, la joie de vivre dont vous feriez bien de colorer votre journal". Pierrette, elle, criait "Halte à l'indécence", "au nom de tous ceux pour qui Cloclo était tout simplement la tendresse". Avec dans les 2 courriers cet argument-massue pour finir : "Cloclo, c'était un phénomène de masse et son public, il était principalement au sein de la classe ouvrière". "Toute liberté en art", je ne l'avais pas envisagé sous l'angle "chacun ses goûts" (je suis snob) !

    34 ans plus tard, le bus s'arrête à une station. Sous l'abribus, un panneau Decaux annonce "les jours stars" chez Carrefour, avec un dessin représentant Jagger et Keith Richards ! Je pense que je vais continuer à pédaler les yeux fermés... 

     


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  • Touche pas à ma potesse Touche pas à ma potesse

    On en parle ici.

     


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  • La mort en ce jardin

    On en parle ici.

     


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  • J'ai dû fouiner un peu pour le dénicher. Un court récit, 150 pages. Ecrit en 1958, en temps de guerre. Le jardin de Djemila. L'histoire d'un homme, ayant passé sa jeunesse à Sète, écrivain et journaliste, auréolé de sa Résistance autour de Chartres, à 20 ans. Un homme qui a combattu pour la France parce qu'il l'identifiait à une femme, et qui, de la même façon, 13 ans plus tard prend fait et cause pour le nationalisme algérien. Djemila, c'est le nom de plusieurs "poseuses de bombes" du FLN. C'est le titre d'un article virulent dans lequel le narrateur dénonce la torture exercée par les paras au nom d'une idée dévoyée de la France et exalte les femmes martyres. C'est le nom d'une jeune femme fantômatique qui traverse le bouquin. Fantôme d'une nation soumise à une armée d'occupation. Aimée et violée, sublimée et torturée. A la fin, le narrateur s'engage dans l'armée française et monte à l'assaut des djebels où Djemila est acculée avec ses compagnons d'armes...

    Le bouquin est signé Maurice Clavel. Jeunesse à Sète, résistant à 20 ans, vers Chartres. Ecrivain, journaliste à Combat, il est une des rares plumes à ne pas se gausser des insurgés de la Sorbonne descendus en juillet 68 au festival d'Avignon qu'il avait contribué à fonder 20 ans plus tôt avec son ami sétois Jean Vilar (nous en avions parlé ici). Avant mai 68, il fut un temps prof de philo au lycée Buffon (Paris 15e). Il eut, entre autres, parmi ses élèves, un adolescent du quartier qui ne s'appelait pas encore Jean-François Vilar. Celui-ci raconte ça dans une interview à Télérama en février 1982 : "(...) être en classe de philo, avec comme prof Maurice Clavel, ce fut pour moi le plus bel âge de la vie ! J'appartenais à cette génération fantastique à qui Clavel avait appris le devoir d'insolence", puis dans Apostrophes en avril 85 : "C'était un agitateur d'idées formidable, c'est-à-dire que c'était quelqu'un qui apprenait à penser... et à penser d'une manière aussi peu sereine, aussi peu calme, aussi peu confortable que possible".

    Histoires de fantômes

    (Maurice Clavel, à la télé en décembre 1958)

    En 1988, Vilar sort un roman, Djemila. Ca se passe à Paris, dans le 14e, autour de la secrète Villa Hallé. On y évoque l'émergence d'un parti facho en France (on y trouve même un scribouillard du nom d'Alain Fourier - un avatar d'ADG, la bête noire, ou plutôt brune, de Vilar ? Nous parlerons de cela un jour...). C'est surtout un roman sur les blessures de l'histoire qui restent inscrites dans les corps des individus. C'est une histoire de fantômes algériens - ceux qui aujourd'hui encore hantent les quartiers, tous ces morts sans sépulture, toute cette mémoire noyée dans la Seine, cette arrogance coloniale, toute honte bue. C'est l'histoire d'un homme, Sinclair, intellectuel polémiste souvent invité à la télé, ancien résistant à Chartres, qui a combattu en Algérie mais a dénoncé la torture. C'est l'histoire d'une jeune femme, la rage aux poings, vivant dans la France des années 1980 avec des vrais-faux papiers fournis par Sinclair ; elle a choisi de se faire appeler Djemila. C'est le prénom de sa mère, dirigeante nationaliste algérienne, arrêtée, torturée, morte sans sépulture, que Sinclair a connue dans des conditions obscures. C'est le nom d'une ville, fantôme ("pas une ville morte, une ville imaginaire"), à flanc de colline, un théâtre en ruines où Sinclair à la fin rejoue pour Djemila, la fille, la capture de Djemila, la mère, acculée sur la scène antique. 

    Djemila a été réédité il y a quelques mois en Folio. En Folio policier !? Pourtant JFV l'a bien expliqué au début de 95% de réel : "Moi j'ai jamais aimé la littérature policière, ce qui m'intéresse c'est la littérature délinquante". Ne pourrait-on, par décence sinon par conviction, veiller à rééditer ses romans dans des collections qui s'intituleraient "Folio délinquant", "Seuil délinquant", etc. ? Police partout...

    Histoires de fantômes

     


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