• 49ème anniversaire de la manifestation appelée par le PCF, le PSU, le Mouvement de la paix, la CGT, la CFTC, l'UNEF, le SGEN, la FEN et le SNI, contre les attentats de l'OAS et pour la paix en Algérie, jeudi 8 février 1962. Cette manif interdite par la préfecture de police, sera réprimée dans le sang, notamment au métro Charonne, où il y aura 8 (ou 9) morts.

    "Oui, Charonne était une date importante. Ma première manif. Le rendez-vous était devant le cinéma Lux. Mon père me tenait la main. Il n'allait jamais aux manifs. Celle-là, il m'avait dit qu'il fallait. J'avais dit (bon sang, j'étais un gosse) emmène-moi. Il avait répondu : d'accord. Avec un ton un peu grave. Nous étions loin de la station de métro, quand il y avait eu la charge. Très loin. Il avait quand même fallu se réfugier sous une porte cochère, rue de Montreuil, pour se protéger des flics déchaînés. Je n'avais pas eu peur. Cette absence de peur était même mon souvenir intime le plus précis. Avec ce sentimant d'être démuni, de n'avoir rien en main, et pourquoi pas des armes, puisque les autres en avaient." (Bastille Tango, chapitre "Cour de février", situé en février 1985)

    Le souvenir remonte donc à Victor à l'occasion du 23ème anniversaire de la manif. Victor n'avait pas encore 15 ans. C'est aussi une des rares fois (la seule ?) où il évoque son père, l'adulte important de son enfance ayant semble-t-il été plutôt sa grand-mère (Nous en reparlerons...).

    Cet événement a marqué tous les contemporains, et par exemple, dans un livre sorti récemment, On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, qui se situe dans des lieux presque "vilariens" (Cité Crussol, Cirque d'hiver, "chez Victor" au fond de l'impasse Compans...), Robert Bober évoque cet événement, ainsi que la manif qui a suivi pour les obsèques des victimes, le mardi 13 février 1962 : "Les premiers rangs de la foule avaient atteint le Père-Lachaise avant que les derniers, au-delà de la République, aient pu se mettre en marche. Paris n'avait pas vu un tel cortège depuis des années. Combien étaient-ils, ces hommes et ces femmes, agglutinés dans la lente montée de l'avenue de la République, suivant les obsèques des huit manifestants tués le 8 février?"

    Le narrateur évoque aussi ces vieux juifs communistes rescapés des camps d'extermination, qui défilent pour dénoncer le fascisme de l'OAS et la répression de la police française : "Des déportés ont remis leur pyjama rayé d'il y a vingt ans. L'étoffe est délavée, fanée, grise comme celle d'un vieux drapeau."

    Une scène totalement incroyable pour nous aujourd'hui !

     


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  • En lisant JF Vilar, nous avons une forte tendance à tout imaginer en noir et blanc, dans un décor parisien semblable aux photos d'Atget, Marville, Daguerre, Brassaï, Doisneau ou Ronis, ou aux films de Feuillade ou Carné (décors de Trauner). A moins que ce ne soit dans le noir et blanc plus récent des films souvent cités de Godard (A bout de souffle) ou Wenders (Au fil du temps, Alice dans les villes)...

    Pourtant, d'autres références nous font signe dans les romans de JFV. Les scènes situées dans les années 60-70 ou les scènes contemporaines pourraient avoir les couleurs de Bonnie and Clyde, Il était une fois l'Amérique ou du pont de Bir-Hakeim dans Le Dernier tango à Paris...

    Mais encore... Vilar cite Jacques Monory comme son peintre favori. Dès C'est toujours les autres..., il y a une scène au Musée Beaubourg devant Meurtre n°10/2, "la toile immense, longue et bleue de Monory. Une vue monochrome, méticuleuse d'un appartement au modernisme daté (les années 60 ?). Derrière les vitres d'une baie, un corps allongé, un cadavre sans doute. A gauche, un homme fuit. Presque au milieu de la toile, un miroir. Un vrai, éclaté. Il y a plusieurs impacts de balles. Ultraviolence au 500e de seconde. Rien ne s'effondre, tout est gelé (...). Et mon reflet dans le miroir brisé."

    Dans Passage des singes, Victor possède chez lui une "petite litho de Monory (...) bleu glacé". Et dans Bastille Tango, c'est un "grand tableau" qui orne son appartement : Diamondback.

    Peut-être devrions-nous relire les romans de JF Vilar à travers un filtre bleu glacé ?

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         (Jacques Monory, Meurtre n°10/2, 1968)

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       (Jacques Monory, Diamondback, 1979)

     


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  • "Il y a eu un vol dans un stand et des flics filtrent la sortie. (...)  Chez moi, quai de Jemmapes (...) il y a une petite reproduction de la Joconde, format carte à jouer. Elle est collée sur un bristol blanc sur lequel est écrit, manuscrit : "LHOOQ Joconde rasée". C'est signé Marcel Duchamp. La radio m'apprend que ça coutait 37 000 F à la FIAC, avant le vol. Qu'importe, c'est beau."

    (Paris d'octobre, 8ème épisode "Le retour de la Joconde", 9 octobre 1985, Le Matin)

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  • Robert Capia n'a plus de boutique galerie Véro-Dodat. Cela fait quelque temps maintenant. Sans la boutique de Robert, un des plus beaux passages couverts parisiens cherche sa raison d'être.

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    Victor B y avait ses habitudes. Il aimait bien boire un verre au Café de l'Epoque et y croiser des femmes comme par hasard. Il y retrouve Rose dans C'est toujours les autres qui meurent, plantée devant la boutique de jouets anciens de Capia. "Captivée par les poupées". Elle y observe une poupée en particulier : "la poupée a un corps de porcelaine plus blanc que rose. Les membres sont à la fois dodus et d'une extrême finesse. Superbe robe de velours bleu, bordée de dentelle."

    C'est presque la même poupée qui réapparait dans le feuilleton Paris d'Octobre paru dans le Matin en octobre 1985 : "teint délicat. Robe de velours." Encore.

    Cette fois, Robert Capia intervient en chair et en os, en tant qu'ami de Victor. Il identifie un bébé-phonographe de Jumeau datant des années 1880-85. Il s'agit d'une poupée parlante dont Robert répare le mécanisme pour faire entendre la voix de Lady l'Arsouille, l'intrigante héroine de Paris d'octobre.

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      (Le magasin de Robert Capia, dessin d'Erik Desmazieres, 2008)

    Depuis, Robert Capia a donc fermé boutique (et je me demande bien où il a pu transporter le merveilleux capharnaüm des deux pièces qui donnaient sur la galerie).

    L'année dernière il enseignait encore à des futurs commissaires-priseurs  la connaissance des objets anciens. Il continuait aussi à fréquenter la librairie Delamain place Colette où je l'ai croisé, comme par le passé.

    La galerie Véro-Dodat, elle, a perdu son âme.

    Et moi Louise Lame, j'y erre comme un fantôme. Les vitres vidées de ses occupants en celluloid et porcelaine ne reflètent plus que mon manteau entrouvert sur ma robe de soie noire.

     


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