• C'est comme au théâtre. Une grande représentation a eu lieu, pendant 3 mois : ça s'appelle mai 68, ça a commencé le vendredi 22 mars, ça s'achève peut-être le mercredi 12 juin. Les actrices et les acteurs seront amenés à jouer d'autres pièces, à partir de septembre - des grandes grèves, de grandes manifs, féminisme, anti-nucléaire, contre-culture, autogestion, communautés rurales, Larzac, homosexualité, luttes des prisonniers, comités de soldats, grève des putes, etc. - pendant plusieurs années. Jusqu'en mai 81 (changement de direction).

    Mais là, en juillet-août 68, il y a un creux dans la saison théâtrale. Mai 68 s'est interrompu un peu abruptement, la rentrée sociale c'est dans 2 mois, il y a une vacance. Il reste une seule scène ouverte, disponible : le festival d'Avignon.

    Difficile de raconter ce qui s'est passé à Avignon en 68. 33 ans après, des versions totalement différentes circulent, selon les sources.

    C'est comme une tragédie. Dont les personnages principaux, tous justes, tous intègres, poursuivent leur vérité et se retrouvent à s'opposer à un moment du récit. Et la destinée les enferme les uns et les autres dans des positions de plus en plus inconciliables. Jusqu'au déchirement final.

    Bon, il y a des rôles de méchants. Indiscutablement. Qui gagneront à la fin, c'est ça l'histoire. Le candidat (de droite) aux législatives Jean-Pierre Roux qui monte la populace contre la troupe du Living Theatre (qui répète depuis mai son spectacle) qu'il dénonce dans un tract comme étant des "freudiens", ce qui semble signifier dans son langage des dépravés, "dont les moeurs sont une injure pour nos jeunes, pour nos travailleurs". Les journalistes de caniveau qui appellent dans leurs torchons Le Méridional ou La Gazette Provençale à expulser la "horde crasseuse" des "enragés", les "énergumènes en haillons", les "étrangers", les "miteux de tout poil, toutes vêtures, couleurs, nationalités imprécises, forbans de tous acabits". Le préfet du Gard qui joue Anastasie, la censure. Le maire (de gauche, parait-il), Henri Duffaut, qui excite les bas instincts de la population, qui entend ordonner au Living Theatre ce qu'ils doivent jouer, puis qui finit par leur envoyer les gardes mobiles pour les bannir de la ville et du pays. Et les gardes mobiles...

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    (le député, le préfet, le maire, le garde mobile)

    Et puis il y a les héros de la pièce. Des gens de théâtre : Jean Vilar, Julian Beck et la troupe du Living Theatre, Gérard Gélas... Et des gens de la rue, amateurs de théâtre, amateurs de palabres...

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    (Julian Beck, Jean Vilar et Gérard Gélas)

    Dimanche 30 juin 68, la droite revient. De Gaulle à l'Elysée, vague bleue foncé à l'assemblée. Dans le Vaucluse, JP Roux l'anti-freudien est élu député face au maire socialiste d'Avignon. Ca c'est pour le décor.

    Le jeudi 18 juillet, le préfet du Gard frappe les trois coups, chut ! ça commence. Une jeune troupe du cru, le Chêne Noir, doit jouer sa pièce La paillasse aux seins nus, à Villeneuve-lès-Avignon, dans le Gard, de l'autre côté du Rhône. Le préfet interdit la représentation et fait murer la salle. Gérard Gélas, le meneur de la troupe, franchit le fleuve, se précipite annoncer l'interdiction. Réaction immédiate de la famille du théâtre. Tract, appel à un débat public place de l'Horloge. Charge des CRS, matraque, lacrymos. Classique.

    Le soir-même, c'est la première d'Antigone, un des spectacles du Living Theatre. Ils décident d'annuler et à la place, un meeting s'improvise dans la salle. Des meetings, il va y en avoir tous les jours, notamment au Verger d'Urbain V, où Jean Vilar a prévu un lieu de parole, un forum permanent et ouvert - les échanges vont y être vifs, jusqu'à l'excès, jusqu'à l'incompréhension.

    Le samedi 20 juillet, le Living Theatre joue Antigone, avec les comédiens du Chêne Noir assis en fond de scène, vêtus de noir, de l'adhésif sur la bouche. Réduits au silence et à l'immobilité.

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    Pendant ce temps, les politiques font monter la tension : le maire appelle la population à aider à "maintenir l'ordre" face au spectacle qui déborde pour ne pas "nuire au tourisme" et à la prospérité du commerce, la section locale du PC crée un "Comité de défense du festival" composé de sains gymnastes et de rugbymen, les CRS nettoient la rue régulièrement. Seul Maurice Clavel, présent à Avignon, défend dans Combat daté du 23 juillet la "cohérence" des contestataires du festival qui "nous excitent à penser, à tout repenser, à tout refaire".

    Le mercredi 24 juillet, le Living Theatre présente sa nouvelle création, Paradise now, dans le cloître place des Carmes. La foule se bouscule, avec pour certains la volonté politique de rentrer gratos. Julian Beck, partisan de l'abolition de l'argent, s'accroche aux grilles et encourage la resquille. Mais Jean Vilar, pour qui les artistes sont des travailleurs comme les autres et pour qui tout travail doit être payé, supervise le filtrage des entrées. Première dissension.

    Le lendemain, nouvelle représentation. Salle archi-comble, tout le monde n'a pas pu entrer. Après un moment, Beck fait ouvrir les grilles et continue le spectacle dehors, entraînant le public dans une déambulation nocturne et imprévue dans les rues.

    Pour Vilar, la scène théâtrale est le lieu où permettre aux mots de la rue de continuer à s'exprimer, à l'abri des charges de flics. Pour Beck, la rue est le lieu où permettre aux mots du théâtre de continuer à s'exprimer, au contact du réel enfin.

    La famille du théâtre se déchire. Dans la rue, chacune et chacun comprend ce qu'il peut à la pièce. Des manifestants au slogan facile trouvent malin de scander "Béjart, Vilar, Salazar" (Salazar est le dictateur qui étrangle alors le Portugal). D'autres sont sensibles à la figure tragique de Jean Vilar, seul au milieu de la tempête, répondant toujours à toutes les apostrophes, défendant envers et contre tout ses convictions.

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    Le maire (de gauche, donc) profite de la confusion : il ordonne au Living Theatre de cesser les représentations de leur pièce Paradise now, puis finit par leur envoyer les gardes mobiles pour les bannir d'Avignon et les raccompagner à la frontière ! Le mercredi 31 juillet, Vilar vient saluer Julian Beck et assiste, impuissant et désespéré, au départ sous escorte des 4 minibus VW du Living Theatre.

    La famille du théâtre se déchire. Les politiques et les flics triomphent. Baisser de rideau.

    Dans les rues d'Avignon en juillet 68, il y a peut-être un militant communiste révolutionnaire de 21 ans. Qui sait ce que Jean Vilar a apporté au théâtre populaire, à la culture. Qui a assisté dans ses jeunes années parisiennes à des représentations au TNP. Qui n'aime pas les rimes trop faciles. Ou les effets de meute, surtout contre un homme seul. Dans l'orga dans laquelle il milite, chacune et chacun cache plus ou moins son identité sous un pseudo. Le sien sera "Vilar". Plus tard, quand en partie par hasard il écrira un roman noir, il conservera ce pseudo.

    Laissons le dernier mot à Vilar (Jean-François). Dans Nous cheminons..., Victor raconte sa rencontre avec une comédienne : "(...) je l'avais rencontrée dans le tumulte d'un chahut affligeant. La contestation du festival "bourgeois" s'imposait, paraît-il. "Vilar-Béjart-Salazar" avait été le slogan de quelques crétins auréolés par Mai. L'équipe du Living Theatre apportant son actif concours à cette confusion lamentable, défendant sa petite boutique, ses minuscules audaces. A l'ombre du palais des Papes s'était rejoué un triste remake de l'occupation du théâtre de l'Odéon, qui déjà n'avait fait honneur à personne. Jean Vilar, n'étant pas Barrault, avait refusé de s'incliner devant la putasserie ambiante. Marine m'avait accroché lors d'une bousculade. "Ce sont vos amis ?" Je ne la connaissais pas. Elle écumait, elle pleurait. "Vilar-Salazar ! C'est tout ce qu'ils ont trouvé. Quelle imagination !" Parmi ceux qui vociféraient, son metteur en scène, la plupart de ses partenaires. Pas mal d'autres types que, dans la foulée du lyrisme des émeutes de Mai, j'aurais spontanément appelés "camarades". Avignon et l'offense faite à Jean Vilar mirent fin à cette compromission poisseuse."

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    NB : Un dossier très fourni, comprenant notamment une revue de presse de l'époque et de nombreuses photos, peut être lu ici.

      


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  • Nous sommes à Prague. Nous cheminons, entourés de touristes aux fronts obtus. Les temps changent. Heureusement, derrière chaque porte se cache une cour, un jardin, un passage. Certains nous mènent à des tavernes aux noms d'animaux (U Zlatého Tygra - Au tigre d'or, U Hrocha - A l'hippopotame, U Dvou Koček - Aux deux chats...) et à d'étranges bric-à-brac où nous retrouvons quelques fantômes.

    Bric-à-brac pragois

    Bric-à-brac pragois

    Bric-à-brac pragois

    Bric-à-brac pragois

    Bric-à-brac pragois

     (photos 1-2-3 : Bric-à-brac, Týnská 627/7 ; photo 4 : U Golema, Maiselova 62/8 ; photo 5 : affiches dans Staré Město) 

     


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  • Dans un post précédent, nous avions tenté d'établir la liste des flâneries pragoises de JF Vilar. Cette liste se voulait complète. Las ! Plus nous flânons dans les pas de Victor B et plus nous allons de surprise en découverte ! Tentons donc une modeste mise à jour (provisoire ?).

    En 1993, Jan Sekal réalise un documentaire de 26 minutes, Teplice en Bohème, qui est diffusé en 94 par la 2ème chaîne de la télévision publique de le république tchèque. Le texte est de JF Vilar.

    Le samedi 22 novembre 1997, sur France-Culture, JFV est un des participants à une émission "La matinée des autres" dont le thème est : Le Golem.

    Le jeudi 9 décembre 1999, sur France-Cul toujours, une rediffusion (nous n'avone pas trouvé la date de la 1ère diff) de l'émission "Un jour au singulier" ; JFV y parle du "21 août 1990 : le départ des troupes soviétiques de Tchécoslovaquie".

     Si quelqu'un possède des enregistrements d'émissions de France Cul avec JFV (sur Prague ou sur d'autres sujets), nous sommes preneurs !

    Continuons... En mai 1998, dans le n° 34 de la revue Lignes (30e anniversaire de mai 68), JFV publie un article passionnant sur Prague au(x) printemps (68-89) : Paris-Prague, aller simple, vague retour.

    D'autre part, Pierre-André Sauvageot, qui a tourné 95% de réel à Prague avec JFV, a continué à trainer dans les rues pragoises, imaginant un long métrage, Le voyage à Prague, qui n'a hélas jamais abouti. Un cinéaste suit les traces d'une écrivaine elle-même en quête d'un mystérieux Victor B. L'écrivaine devait être jouée par Michèle Lesbre, par ailleurs co-scénariste du film... Plus tard, à partir de photos et de collages, et à partir d'un texte de Michèle Lesbre et lui-même, Sauvageot a monté un court métrage intitulé Rue K, visible sur son site  :

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  • "Solveig était venue avec un rouleau de papier sous le bras et des choses à dire. Elle demanda si c'était par courtoisie ou par indifférence que j'avais négligé de l'interroger sur ce prénom que lui avait attribué Laurent, à l'hôtel Gî-le-Coeur.

    - Libuše, dit-elle, c'est un peu prétentieux.

    Elle défit son rouleau. C'était une affiche. La reproduction d'un tableau, de forme carrée, ce qui est peu ordinaire. Une lumière de lune, bleu vert, une femme debout, légèrement décentrée par rapport à l'axe du tableau. Son bras gauche est levé à la perpendiculaire du corps, la main tend un rameau de tilleul. Elle est coiffée d'un lourd diadème, vêtue d'une riche robe de cérémonie, bleue, avec des parements dorés, des perles, des bijoux. Le devant est parcouru par un long motif de dix cercles, autant de phases successives de la lune.

    - C'est la prophétesse Libuše, la fondatrice mythique de Prague. "Je vois une ville immense, sa gloire s'élèvera jusqu'aux étoiles", a-t-elle annoncé du haut du rocher de Vyšehrad qui domine la Vltava.

    Solveig épingla l'affiche sur le mur. De qui, ce tableau ?

    - Vítězslav Karel Mašek. Il aurait été peint en 1893, lors d'un séjour à Paris.

    Solveig précisa que l'histoire avait de quoi me plaire. Mašek avait vécu en France à la même époque qu'Alfons Mucha, ultra-célèbre peintre et affichiste, dont il était l'ami. Mašek resta dans l'ombre.

    - On sait très peu de chose de lui. Cette Libuše qui est sans doute son chef-d'oeuvre ne fut découverte qu'il y a quelques années. Elle est maintenant exposée au musée d'Orsay, du côté des symbolistes, ce qui n'est pas complètement évident.

    - Et toi ?

    - La légende de Libuše est très belle. On peut y lire tout le destin de Prague. Même au-delà, puisque la prophétesse brandit le tilleul, qui est l'arbre sacré des Slaves. C'est un nom un peu difficile à porter. Il devient encombrant, presque odieux, lorsqu'on veut se détacher de Prague.

    Libuše devint Solveig, reprenant par défi le nom de la trop patiente fiancée de Peer Gynt. Assez de prophéties et d'espoirs bafoués. Elle devint celle qui n'attend pas."

                        (Jean-François Vilar, dans Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués)

    Libuše, fondatrice de Prague

    Dans les rues de Prague la nuit, aurons-nous des chances de rencontrer le Golem ou Libuše, Victor ou JFV... ?

      


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  • L'objet est un ready-made de Duchamp. Une ampoule de sérum physiologique en verre, vidée de son contenu liquide. Une petite forme cristalline et tarabiscotée emplie d'air.

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    Air de Paris date de 1919 et JFV l'évoque à peine dans ses romans (dans C'est toujours les autres..., Victor se retrouve lors de la "prise d'otages" du Centre Pompidou devant la Boîte en valise datant de 1936 : "J'ai déjà vu la Boîte, mais je n'ai jamais eu, évidemment, la possibilité de la toucher, de la manipuler. Alors, je me surprends à faire jouer les glissières, à ouvrir les dépliants, à soulever les planches. Je prends dans ma main la petite ampoule de verre contenant de l"'Air de Paris" ").

    J'ai bien envie cependant d'accrocher l'objet transparent quelque part dans ce passage, comme une enseigne d'antan indiquant un magasin de curiosités : Ici Air de Paris, rêves en tout genre et de toutes tailles, croisements de trajectoires, bouleversements intimes et infra-minces...

    L'air enfermé dans l'ampoule n'est pas n'importe lequel, de Paris certes mais plus précisémement de la rue Blomet, là où vécut Desnos, là où naquit Victor. C'est en effet non loin de l'appartement de Gabrielle Buffet-Picabia, 32 avenue Charles Floquet (Paris 7e) où de passage à Paris il séjourne en 1919, que Duchamp demande au pharmacien de la rue Blomet d'ouvrir une ampoule, de la vider et de la refermer, emprisonnant l'air ambiant... Il offre ce nouveau ready-made à son ami mécène new-yorkais Walter Arensberg : "J'ai pensé à un cadeau pour Arensberg qui possédait déjà tout ce que l'argent pouvait acheter. Je lui ai donc offert une ampoule d'air de paris". Plus tard en 1949, alors que l'ampoule a été brisée, Duchamp envoie une lettre à son ami Henri-Pierre Roché (celui-là même qui l'avait surnommé Victor) et lui demande : "Pourrais-tu aller dans la pharmacie qui est au coin de la rue Blomet et de la rue de Vaugirard (si elle existe encore, c'est là que j'avais acheté la première ampoule) et acheter une ampoule comme celle-ci : 125 cc et de la même dimension que le dessin ; demande au pharmacien de la vider de son contenu et de ressouder le verre à la lampe".

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    (lettre du 9 mai 1949)

    Rue Blomet, 1949, Desnos est mort depuis 4 ans, en revanche Victor (pas Duchamp, Blainville...) y passe son enfance. Peut-être a-t-il croisé Roché à la pharmacie du coin et a-t-il respiré le même air que celui enfermé dans l'ampoule ?

    De toute façon, l'ampoule semble s'être à nouveau brisée. Celle que j'ai vue flottant au milieu d'une salle du Centre Pompidou datait de 1962. Je ne sais pas si l'air venait toujours de la rue Blomet, dans le catalogue d'exposition, on parlait du Havre... et d'une série d'ampoules emplies d'air du large...

    A moins qu'à suivre deux rues parisiennes parallèles (rue Blomet et rue de Vaugirard) pour trouver où elles se croisent, on ne finisse par arriver quelque part près de la mer...

     


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  • Juin 2011, un artiste à la signature illisible hante les hauts de Ménilmontant. De la pierre des murs fissurés jaillissent d'étonnants animaux.

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    (13 rue de l'Ermitage, Paris 20e)

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    (12 rue de Savies, Paris 20e)

    Des animaux dont l'oeil m'observe de derrière le crépi des murs :

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    Il y avait aussi un lièvre rue de la Mare... mais le temps que je sorte mon appareil-photo, il avait déjà bondi je ne sais où. Ca arrive avec les peintures de rue, elles disparaissent parfois sans laisser de trace.

    Comme ont depuis longtemps disparu les oeuvres des peintres de rue qui apparaissaient dans les bouquins de JF Vilar des années 80 : Miss-Tic, Blek le Rat, Marie Roufflet... Les murs de Paris sont un palimpseste.

     


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  • 30ème anniversaire du début de l'action du premier roman de JF Vilar, C'est toujours les autres qui meurent, quand son personnage Victor Blainville pénètre passage du Caire (2ème arrt), le vendredi 19 juin 1981 à 18h.

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    (photo L.Lame, avril 2011 / autres photos du passage ici)  

    Victor reviendra plusieurs fois dans ce passage, le plus ancien des passages couverts encore existants (1798). Dans C'est toujours les autres..., entré par la rue St Denis, il découvre un cadavre dans la vitrine d'une des boutiques de mannequins d'exposition. Il remonte la travée centrale, arrive à la rotonde ("bel endroit où les perspectives impitoyablement divergent"), sort place du Caire ("le calme parfait, presque une place de province"), se retourne "vers la façade avec ses fresques simili-égyptiennes", prend quelques photos (comme Atget avant lui), puis s'éloigne avant l'arrivée des flics.

    Dans Les exagérés, sur les traces d'Hébert, il vient flâner près du passage (qui n'était pas encore construit en 1792), là où se réunissait l'assemblée de section d'Hébert, près de l'ancienne Cour des Miracles, et près de la rue Neuve-Egalité (devenue rue d'Aboukir) où Hébert a habité et imprimé son Père Duchesne.

    Dans Nous cheminons..., en septembre 1938 Alfred Katz accompagné de Nathan, le correcteur anar de Match (locaux rue d'Aboukir), fait "quelques pas dans les galeries du passage, appréciant les mannequins d'étalage aux postures provocantes". Ensuite ils vont boire un verre "au bistrot de la place du Caire" (dans C'est toujours les autres..., Victor, parlant des photos d'Atget, dit : "je n'ai jamais pu déchiffrer le nom du café sur ces clichés").

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     (photo Eugène Atget, vers 1905-1915)

    Dans C'est toujours les autres..., Victor va finalement boire un verre rue St Denis : "Les passants passent, les filles tapinent, et tout ce que j'observe en prenant un verre au café "Le Select" me confirme dans l'idée d'une vague banalité. (...) dans les premiers temps, alors que je prenais mes habitudes passage du Caire et dans les lieux environnants, je venais dans ce bistrot, le plus proche. Je ne l'aimais pas tellement. A la terrasse, pourtant, j'avais appris à observer (...)". Nous sommes allés y boire aussi, le bar a connu des travaux, mais le panorama sur la rue est toujours tel que décrit par Victor.

     


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  • Je ne sais pas comment vient une idée. Ou une image. J'étais chez moi, c'est-à-dire pas très loin de l'endroit ou s'est défenestrée Unica Zürn. Là où vivait Hans Bellmer, 4 rue de la Plaine, Paris 20ème. Mais cela n'a rien à voir avec la suite. Enfin je crois.

    Chez moi, il m'est venu à l'esprit une question à propos de photos érotiques ou pornographiques ; j'ai du mal parfois avec les définitions et les limites. Les photos en question sont celles de Mila dans Nous cheminons... Je ne me souvenais plus qui était censé les avoir prises : Man Ray ou Bellmer ? Et de quelles photos, réelles celles-la, JFV avait-il pu s'inspirer ?

    J'ai donc retrouvé les passages où elles étaient décrites : dans le premier, Katz passe voir Man Ray dans son atelier "au bas du boulevard de Port-Royal". Celui-ci le photographie et lui donne une enveloppe assez épaisse contenant des images de Mila nue, dont quelques-unes où "elle était liée par des cordages, des sangles, qui entraient profondément dans ses chairs, les déformaient, la transformaient en poupée (...). Sur la plupart des photos, le visage était distinct, parfaitement impassible". Puis plus loin (p.214), Mila parle de la séance avec Man Ray et Bellmer : "Mais tous le temps qu'il demandait à Man de faire cette photo, et puis celle-la, qu'il m'expliquait très gentiment, très exactement ce qu'il voulait, de quelle façon la corde devait me déformer les seins, le ventre, les fesses, tout le corps, me remodeler comme une sculpture, je sentais sa passion."

    Les photos étaient donc de Man Ray, pour Bellmer et sous son regard.

    Je ne sais pas si cette scène est plausible ? Quels étaient les liens entre Bellmer et Man Ray en 1938, année où se situe le roman ? Bien sûr ils se connaissaient mais pas très bien, Hans Bellmer venait juste d'arriver à Paris après la mort de sa femme. Oui, Man Ray faisait des photos érotiques et même tournait des scènes d'amour lesbien dont il avait tiré des photogrammes. Oui Bellmer travaillait sur la poupée. Et puis ?

    Et puis bien sûr il y a les photos de l'un et de l'autre : quelques images bondage prises par Man Ray en 1930, la série Blanc et Noir, plutôt sage.

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    Et celles de Bellmer, mais elles ne datent pas de 1938. A cette époque il photographie la poupée et peu de nus. C'est avec Unica dans les années 50 qu'il photographie des corps "ficelés", des photos qui ressemblent à la description de Nous cheminons... mais sans visages.

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    Peut-être faudrait-il, pour que j'obtienne plus de renseignements sur l'année 1938 et les emplois du temps des surréalistes que, telle Irma Vep, toute vêtue de noir, je me glisse, de nuit, dans la bibliothèque-labyrinthe de Jean-François Vilar afin d'y trouver les preuves d'un travail commun entre Man Ray et Bellmer. Je me cognerais certainement - encore - à des mannequins sortis du passage du Caire à moins que je ne me retrouve nez à nez avec un portrait de Breton me dévisageant...

    Je ne sais pas comment viennent les idées. Ni les images. Mais j'aime bien les suivre, en silence et sur la pointe des pieds, voir où elles mènent...

     


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  • 66ème anniversaire de la mort, le vendredi 8 juin 1945, de Robert Desnos au camp de concentration de Terezin (Theresienstadt), à 60 km au nord de Prague.

    Terezin était un camp à part dans l'histoire concentrationnaire ; plutôt qu'un camp, un ghetto constitué au printemps 1942 pour accueillir les vieillards, quelques anciens médaillés de guerre et une poignée de personnalités juives dont des musiciens. Ce camp servait aux SS de "camp modèle". Il fut un de ceux qui furent libérés le plus tardivement, le 8 mai 1945 par l'Armée Rouge.

    Desnos échoue à Terezin suite à un long périple. Prisonnier politique non juif, arrêté à Paris à la fin de la guerre, le 22 février 1944, il est déporté de camp en camp au fil de la débacle allemande : Auschwitz, Büchenwald, Flossenburg puis Flöha. Les prisonniers sont évacués de Floha le 14 avril 45 et entament alors une longue marche de 23 jours à travers la forêt. C'est épuisé que Desnos arrive à Terezin quasiment en même temps que l'Armée Rouge. Il y attrape le typhus qui fait rage dans le ghetto, décimant les milliers de juifs qui y restaient (des convois entiers avaient quitté les mois précédents Térezin pour Auschwitz).

    Desnos se retouve mourant à l'infirmerie où il est reconnu le 4 juin par un jeune infirmier tchèque, Josef Stuna, féru de poésie surréaliste, qui se souvient avoir vu ce visage dans Nadja de Breton :

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    Aidé de l'infirmière Alena Tesarova, Stuna veille sur les derniers jours du poète qui meurt le 8 juin 1945.

    Commence alors la légende du "dernier poème" de Desnos ! Un journal tchèque annonce sa mort et accompagne cette nouvelle de la traduction approximative de la dernière strophe d'un poème des années 20. Cette traduction parait retraduite en français et la légende nait en France d'un dernier poème d'adieu griffonné par Desnos sur un morceau de papier. Il s'agit en réalité d'une strophe du poéme A la mystérieuse écrit pour Yvonne George en 1926. Mais la légende est belle qui, après sa mort, ramène Desnos au grand amour de sa vie, la femme à laquelle il ne cessait de penser lorsqu'il habitait rue Blomet dans le 15ème.

    On n'échappe pas à certains destins ni aux généalogies imaginaires : c'est dans cette même rue Blomet que Victor a passé son enfance comme il l'explique dans Paris d'octobre : "Je n'aime pas le XVe arrondissement. Il y a au moins une bonne raison à cela : j'y suis né. Je suis né très précisément rue Blomet, à deux pas du Bal Nègre, célèbre lieu de perdition. Mais ce n'était déjà plus la bonne époque. Miro, Max Ernst, Masson et quelques autres avaient déménagé depuis longtemps. Quant à Desnos (...) qui habita au n° 45 (maison détruite), il est mort deux ans avant ma naissance, en déportation au camp de Terezin (Tchécoslovaquie)".

    Jean-François Vilar aussi est né dans le 15ème arrondissement deux ans après la mort de Desnos ; à l'époque y vivait une assez importante communauté russe. Plus tard, il a préféré la rive droite à son quartier d'enfance et puis pour un temps, Prague à Paris. En 1994 Pierre-André Sauvageot le filme à Terezin alors qu'il écrit un livre jamais publié, un roman dont le personnage principal aurait passé son enfance dans le ghetto et aurait survécu au typhus... Un livre sur l'amnésie et le souvenir.

    "Moi j'ai imaginé... si, en prenant le temps, et avec un peu d'obscurité - parce que c'était minuit dans le siècle -, on pouvait être ici à Térezin, donc de nuit - pas dans un délire hallucinatoire ou quoique ce soit -, mais le fait de la solitude, plus la nuit, peut-être qu'on pourait encore mieux, non pas cultiver la mémoire ou se faire son petit cinéma mental, mais simplement être encore un petit peu avec les gens qui sont passés par là, être encore un petit peu avec eux. Et prolonger un tout petit peu leur temps. Alors j'essaie de raconter un parcours, un moment de cette nature-là." (Jean-François Vilar, dans 95% de réel) 

     


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  • Des fois je m'égare. Quelque part.

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    Entre la réalité et la fiction. A force de jouer à la marelle, à l'amour-révolution dans la ville. Chaque passage me raconte tant d'histoires.

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    Sous l'imperméable, je suis Louise Lame pour toujours. Mon corps se dénude quand je marche et ma tête est pleine de bruissements et d'insurrections. Vers la rue Saint-Denis, les putes me dévisagent et les murs aussi.

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    Passage du Caire.

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    Duchamp n'y est pas. Si il y était il me mangerait, mais comme il n'y est pas... Mon corps se cogne à d'autres.

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    J'en perds la tête. J'aurais besoin d'un verre de blanc-sec. Si Victor est passé par là, qui s'en souvient ? Je cherche une sortie.

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    Reprendre pied. Cesser de nager à contre-courant. Au café le Sélect, rue Saint-Denis, en face d'une des trois entrées du passage du Caire, j'écoute, enfin tranquille, les discussions des filles...

    J'attends Victor, ou bien est-ce Corsaire ?

    *               *               *

    (photos L.Lame - photo 1 : cour intérieure rue saint-denis, été 2010 ; photo 2 : passage Verdeau, avril 2011 ; photo 3 : cour rue saint-denis, été 2010 ; photos 4 à 7 : passage du Caire, été 2010 ; photo 8, passage du Caire, avril 2011 ; photo 9 : passage Jouffroy, avril 2011)

     


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  • Quand on prend les notices biographiques d'un écrivain au fil des parutions de ses ouvrages, ça forme petit à petit une biographie qui s'enrichit en temps réel de détails, d'actualisations successives... En voici une sélection concernant Jean-François Vilar. Il s'y trouve quelques erreurs - disons qu'on y trouve "95% de réel" -, elles font partie du jeu... Saurez-vous les retrouver ? (Réponses ici)

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    (Paris la nuit, A.C.E., octobre 1982 - rabat de 4ème de couverture)

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    (Passage des singes, Presses de la Renaissance, décembre 1983 - 4ème de couverture)

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    (Revue Tango n°3, juillet 1984 - notice bio p.156)

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    (Réédition de Passage des singes, J'ai Lu, 1985 - 4ème de couverture)

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    (Revue Après la plage n°1, printemps 1985 - notice bio p.17)

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    (De parfaits petits crimes, Futuropolis, novembre 1986 - page de garde)

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    (Anthologie de nouvelles Mystères 86, Livre de Poche 1986 - notice bio p.313-314)

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    (Recueil de nouvelles Black exit to 68, La Brèche-PEC, mars 1988 - notice bio p.206)

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    (Revue La Vie du Rail n°2154, juillet 1988 - notice bio p.46-47)

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    (Les hiboux de Paris, Nathan Jeunesse, collection Arc-en-poche n°128, janvier 1989 - notice bio p.2)

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    (La grande ronde du Père Duchesne rue Saint-Antoine, Epigramme, 1989 - 4ème de couverture)

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    (La ville est un roman, Denoël, mai 1991 - p.20)

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    (Paris perdu, Carré, mars 1995 - notice bio p.319)

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    (Anthologie de nouvelles La crème du crime, L'Atalante, 1995 - notice bio p.1029)

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    (Réédition de C'est toujours les autres qui meurent, Babel Noir, juin 1997 - 4ème de couverture)

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    (La fille du calvaire, La Voûte, collection Métro-Police, juillet 1997 - 4ème de couverture)

     


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  • 43ème anniversaire de l'invasion, le mardi 14 mai 1968, de l'école des Beaux-Arts rebaptisée "Atelier populaire des Beaux-Arts" par les étudiants et les artistes qui l'occupent. Jusqu'à l'expulsion par les flics le 27 juin, plus de 500 modèles d'affiches sont créés et reproduits par sérigraphie à plusieurs milliers d'exemplaires. Une AG quotidienne étudie les propositions d'affiches et de slogans et détermine celles qui seront réalisées. Des brigades de colleurs passent les chercher et vont en recouvrir les murs de la ville.

    L'atelier des Beaux-Arts est cité plusieurs fois par JF Vilar, de façon certes pas très enthousiaste. Dans C'est toujours les autres..., Rose explique à Victor : "En 68, j'étais aux Beaux-Arts. J'y étais déjà depuis pas mal de temps. Je me suis dit que je ne pouvais plus y rester". Le narrateur décrit "les affiches de Mai. L'atelier de sérigraphie. Les bringues à n'en plus finir. La fête, à ce qu'on disait". "Même ça, ça ne m'avait pas tellement excitée. Votre 68, j'ai trouvé ça un peu terne", conclut Rose.

    Dans Passage des Singes, Victor évoque un des personnages, Raymond : "Il devait être là par hasard, mais il y était. Il faisait des affiches à l'atelier des Beaux-Arts. Pas trop d'idées, rien qu'un honnête savoir-faire. Et puis, à l'occasion, il y allait de son pavé. Ca se faisait beaucoup. Après, il s'est installé dans la barbouille. Artiste. Malgré tous mes efforts, il n'a jamais réussi à me perdre de vue."

    Dans Bastille Tango, la jeune artiste des rues Jill de Ray (du groupe des Mi Noche Triste) parle d'une affiche qui recouvre les murs de Paris : "Ca ressemble juste un peu trop aux affiches de 68 que mon paternel a affichées dans la salle d'attente de son cabinet".

    Images de Mai, remisées de la rue aux salons. Images. En attente. Nous Louise Lame et Corsaire Sanglot appelons des nuées de colleurs nocturnes à afficher de nouveau sur les murs des villes nos cris et nos rêves. Des affiches en série. Peut-être seulement du "savoir-faire", mais du savoir-lutter aussi. Dans le contexte souvent terne du militantisme d'aujourd'hui, ces images conservent leur charge graphique et politique. Nous persistons à croire que la beauté est dans la rue.

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    (autres affiches de Mai : ici)

      


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  • Vendredi 13, c'est le titre français d'un roman noir de David Goodis. Dans la nouvelle En rade, Vilar écrit en parlant de Dominique, le bouquiniste du coin : "La météo du jour lui rappelait les premières pages de Vendredi 13 (...) Dominique but sa bière à petites gorgées tout en fixant la fille. Ses cheveux pas trop bien peignés, son teint blafard, cette ride et l'imperméable trop ample. - Goodis, répéta-t-il".

    Vendredi 13, c'était une revue, aussi. Dans le 7ème épisode de Paris d'octobre publié le mardi 8 octobre 1985 dans Le Matin, Victor B trouve dans son courrier "la dernière livraison du très chic bulletin Vendredi 13".

    Revue fictive ou réelle ? Dans Mystères 86, anthologie de Jacques Baudou où figure une nouvelle de JF Vilar, Ecran blanc, nuits noires, la notice biographique assez précise se termine par "Ajouterons-nous qu'il est l'un des piliers d'une très curieuse petite revue : Vendredi 13 ?"

    A la Bilipo (Bibliothèque des Littératures Policières, 48-50 rue du Cardinal-Lemoine, Paris 5e), le bibliothécaire tente pour nous une recherche et déniche 2 petits objets, tirés du legs des archives de Michel Lebrun.

    Format 15 x 10,5 cm, c'est-à-dire des feuilles A4 coupées en 2 puis pliées. Le numéro du 2 décembre 86 est coupé dans la longueur et crée donc un format à l'italienne, le numéro du vendredi 13 mars 87 est coupé dans la largeur. Les numéros sont datés mais non numérotés. Les collaborateurs sont anonymes ou sous pseudo.

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    Le numéro du 2 décembre 86 comprend 12 pages. Son contenu : un récit d'Hérodote. La présentation est signée Paul Dugland.

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    Le numéro du vendredi 13 mars 87 comprend 16 pages. Il est anonyme mais il porte (au moins en partie) la marque de Vilar. La couverture est une copie/détournement du "n° XIII de 391", la revue de Picabia. Son contenu : des extraits de journaux d'écrivains ou d'articles de presse parus des vendredis 13 (d'un reportage paru dans le Gaulois le vendredi 13 juillet 1888 à un article du Monde du vendredi 13 août 1976, en passant par des extraits des journaux de Jules Renard ou d'Anais Nin). La page 15 relate un "souper-débat du groupe Vendredi 13" tenu le vendredi 13 février 1987 (1 mois avant la parution de ce numéro). Le lieu : " "Bois vins charbons" 8 rue de la Main d'Or, Paris XIe". Nous ne résistons pas à en citer un extrait : "Deux soupeurs évoquent l'accession de Jean-François Vilar à la présidence d'une association ("de malfaiteurs", souffle un absent). C'est alors que le mot "salaud" jaillit d'un plateau de fromages savamment architecturé. Stupeur. Consternation. Soulagement : il fallait entendre "sale haut" par référence à Marcel Duchamp, alias "marchand du sel" à qui le président (donc) Vilar doit rendre hommage, bientôt." La chronique est signée "Zig et Puce, 30 rue Bouret, Paris 19e". C'est l'adresse de la librairie Puce, de Dominique Lattron, que nous avons déjà évoqué. Il y a la photo des 2 chroniqueurs (on y reconnait Kafka et Hammett). Bien entendu, l'association dont JFV accède à la présidence était 813 (de janvier à octobre 87).

    Le bibliothécaire nous apprend qu'un Pierre David a animé de nombreuses revues peu conformes - Paul Dugland est sans doute son pseudo.

    Collaborateurs de Vendredi 13, donc : Pierre David, Dominique Lattron, JF Vilar. Qui d'autre ? Combien de numéros parus, de quand à quand ? Nos recherches continuent...

     


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  • Pendant notre voyage à Paris, nous avons comme prévu arpenté quelques passages couverts. Passage Jouffroy, nous nous sommes arrêtés devant l'étal de la librairie Vulin, comme l'avait fait avant nous Victor dans Les exagérés.

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    (photo L.Lame, avril 2011)

    Un gros volume de photos de Brassaï nous a fait de l'oeil et en le feuilletant, nous avons trouvé une nouvelle photo de l'enseigne de la boutique dont nous avions déjà parlé dans un post précédent, boutique détruite en 1985 et dont nous tairons ici le nom pour ne pas attirer trop vite les passionnés d'armes à feu qui étaient venus nombreux dans notre petit passage lors de la publication de la photo précédente. Si dans le monde virtuel les mots sont des clés, choisissons de garnir ou non nos portes de serrures.

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    (Enseigne, photo de Brassaï, 1931-1932)

      


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  • Au printemps 1988, pour le 20ème anniversaire de mai 68, les éditions La Brèche publient un recueil de "22 nouvelles sur Mai". La maison d'édition est celle de la librairie du même nom (à l'époque 9 rue de Tunis, près de la place de la Nation), de la LCR (alors au 10 impasse Guéménée, près de Bastille) et de son journal Rouge (déjà à Montreuil ?). Le recueil s'intitule Black exit to 68.

    A cette date, JF Vilar n'est plus journaliste à Rouge, ni adhérent à la Ligue. Il y conserve des camarades, dont quelques amis. Il est devenu romancier et se retrouve mêlé à la préparation du recueil. Il écrit une nouvelle, Karl R. est de retour, qui est un peu sa biographie de Radek (pas le chat noiraud recueilli au début de C'est toujours les autres..., non ! le vieux bolchevik du 2ème procès de Moscou). Une biographie dans laquelle le révolutionnaire disparu (disparu n'étant pas nécessairement synonyme de mort ?) dans un camp en Sibérie, débarque dans les rues parisiennes en mai 1968. Il y rencontre une jeune étudiante trotskiste dont le pseudo Lara lui rappelle son grand amour Larissa Reisner. Lara le met en contact avec un dirigeant de son orga prénommé Alain (sic). Vêtu d'une longue veste de cuir râpée très kominternienne, il se promène avec enthousiasme des barricades rue Gay-Lussac à un meeting à la Mutu, louvoyant entre les jets de pavés et les grenades des CRS.

    Jonquet, Simsolo, Daeninckx, Périgot, Pouy, Fajardie, Naudy, etc., sont du projet. JFV propose à une amie d'en être aussi. Grâce à lui, il y a une écrivaine parmi tous ces écrivains mâles. Et grâce à lui, Michèle Lesbre commence, sinon à écrire, en tout cas à publier. Une courte nouvelle intitulée La rue, 3 ans avant la parution de son premier roman, La belle inutile.

    Michèle Lesbre milite un temps à la Ligue, à partir de 72. Mais elle ne monte à Paris qu'en 75. Il est donc peu probable qu'elle ait le temps de croiser Victor Blainville, qui quitte "l'orga" à ce moment-là (dans Nous cheminons..., le flic Laurent sort ses fiches : "En 1975, Vacek a été condamné à six ans de détention (...) on retrouve votre signature, au milieu de pas mal d'autres, au bas d'une pétition exigeant la libération de Jiri Vacek et de ses camarades (...) vous, de votre côté, à cette époque, officiellement, vous délaissez l'engagement politique radical. Vous vous installez en tant que photographe"). Par contre elle cotoie sans doute JF Vilar qui est journaliste permanent à Rouge. Elle quitte la LCR en 78, JFV la quitte en 81. Ils restent suffisamment proches pour qu'en 88 JFV la pousse au crime (enfin, à l'écriture).

    L'histoire éditoriale commune continue. Sabine Wespieser crée en 1997 la collection Babel Noir chez Actes Sud. Le premier volume publié est la réédition de C'est toujours les autres qui meurent. Pas étonnant alors que la devise de la collection soit une citation de JFV : "Le roman noir, parce que c'est la crise, se joue dans un état d'urgence. Il parle du monde, maintenant. Et le monde va vite. Tant pis si nous sommes fatigués".

    Parmi les livres publiés par Babel Noir dans les 2 mois suivants figure le 3ème roman de Michèle Lesbre, Une simple chute. Lorsque Sabine Wespieser quitte Actes Sud pour fonder sa maison d'édition sous son nom, elle emmène avec elle Michèle Lesbre dont elle publie désormais tous les romans. 

    Nous avons récemment évoqué son dernier ouvrage, Un lac immense et blanc. La narratrice voyage en souvenirs entre Paris, Ferrare et Prague, portant en elle la mémoire d'un ami disparu : "Dans quelles coulisses Antoine s'était-il faufilé ? Je pensais de plus en plus à lui comme à un personnage, sa disparition et ses apparitions créaient une sorte de fiction dans laquelle il devenait immortel, je m'attendais à le voir surgir chaque fois que sa présence aurait dû être évidente. Ainsi, devant les images de la chute du mur de Berlin, je le cherchais dans la foule et, si je l'avais aperçu, je ne m'en serais pas étonnée. Lorsque je suis retournée à Prague bien des années plus tard, il était encore avec moi dans la bibliothèque des livres interdits où j'ai feuilleté les tapuscrits de Hrabal signés de sa main, et ceux de tous les auteurs fichés par la police (...)". Prague où un jour Michèle Lesbre est partie sur les traces d'un nommé Victor B, accompagnée par Pierre-André Sauvageot. Nous parlerons de cela un jour.

    Nous avons aussi déjà parlé de la librairie "Le comptoir des mots". Justement, Michèle Lesbre y sera jeudi prochain (5 mai 2011), à 20h, pour lire quelques extraits de son livre. Hasards ?

      


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